• Un mois. Un mois que je suis arrivée dans cette ville du Royaume Unis. Un mois, pour la plupart des gens ce n'est rien, non ? Pourtant j'ai l'impression que ça fait une éternité que je hante les rues de Leeds. Cherchant une attache, un remède à mon mal. Mais à quoi bon chercher quand on sait où trouver ce remède mais qu'on a pas le courage d'aller le saisir, l'arracher. J'ai fuis l'Italie parce que j'étais effrayée à l'idée de me faire arrêter, d'être enfermée. Ce que je ne savais pas, c'est qu'en partant ainsi, je m'étais moi-même piégée, je me retrouvais enfermée dans une cage dont j'étais la seule à détenir la clef. Seulement je n'ai pas le courage d'ouvrir cette cage qui me rend si malheureuse.
  Peut-être que je n'ai jamais été recherchée, Alberto m'aimait, il ne m'aurait pas dénoncée. Mais m'aime -t- il toujours ? A-t-il su que j'ai fuis comme une lâche ? La vraie question c'est : est-ce que moi je l'aime toujours ? Si la réponse était « oui », je n'aurais sans doute pas fuis. Il m'a détruite...tout est de sa faute...
  
  Une larme commençait à perler mes joues couleur ivoire. Puis une seconde et une troisième. Je tentais de les retenir tant bien que mal, et déjà je ne voyais plus rien, tant mes yeux étaient remplis. Je m'essuya du revers de la main et pris une longue inspiration. C'est pas le moment de craquer, pas ici, où tout le monde peut me voir. Reprends-toi, tu as fais le bon choix, et même si ce n'était pas le cas, personne ne peut remonter le temps...
  
  Depuis combien de temps déambulais-je dans ce supermarché ? Je n'en sais trop rien, en tout cas lorsque mes yeux se posèrent sur mon chariot, je me rendis compte qu'il était vide. Pfff...heureusement que personne ne semblait m'avoir remarquée, ils m'auraient prise pour une folle. Une petite blonde qui se ballade dans les rayons en poussant son chariot, sans jamais rien remplir, hormis ses yeux de larmes. Je commença donc à mettre des articles dans mon chariot : un paquet de céréales, des biscuits, puis du laits, des sodas... oui..ce n'était pas très sain, mais je n'ai jamais aimer cuisiner, ça c'était le truc de ma mère. Une mère que j'ai abandonnée sans jamais lui donner de nouvelles. Qu'est ce qu'elle doit penser de moi ? Elle doit me haïr...A cette pensée d'autres larmes me montèrent. C'est pas possible ! Je baissa la tête et accéléra mon pas, afin d'atteindre au plus vite les caisses et de pouvoir partir de ce supermarché. Un pas peut-être trop rapide, ou peut-être j'aurais du regarder devant moi. En tournant au coin d'un rayon je fis tomber quelques articles au pieds d'une femme, avant même de bredouiller quelques mots je me baissa afin de ramasser les paquets
  
  -Je...Je suis désolée...-
  
  Ma voix était tremblante, je ne me mettais pas dans tout ces états pour quelques paquets de céréales tombés au sol, non...c'était une accumulation, une pression que je n'arrivais plus à supporter, je n'arrivais plus a camoufler mes sentiments. C'est plutôt mauvais pour une personne qui rêve de percer dans le monde du théâtre...Lorsque je releva la tête pour enfin croiser le regard de la femme que j'avais importunée, son visage me sembla familier, je fus d'abord parcouru de sueurs froides, puis mes nerfs lâchèrent et je laissa mes larmes tant retenues inonder mes joues. C'était ridicule, peut-être et à l'instant, la seule chose que je voulais c'était disparaître. Je repris les « commandes » de mon chariot et m'apprêtais à m'enfuir...après tout, c'est la seule chose que je fais bien...

Aujourd’hui, j’étais en repos. Enfin théoriquement parce j’en profitais toujours pour faire des choses que je n’avais pas vraiment le temps de faire quand je bossais. Voulant attaquer le jardin, après mon petit dèj, j’avais sauté dans une tenue décontractée avant de passer à la tonte de l’herbe et à la taille des différents bidules que l’ancien proprio c’était amusée à planter dans le jardin. Autant dire qu’à chaque fois, je massacrais ces pauvres plantes et que lorsque ma mère, fervente adepte du jardinage, passait chez moi, j’avais le droit à son regard choqué et ses conseils pour la prochaine fois « si jamais ton rhododendron survit ». Franchement, j’aime ma mère mais le jardinage et moi ça fait 2 et je ne sais toujours pas à quoi ressemble ce foutu rhododendron alors j’abandonne.
Une fois le jardin massacré à la Brittany – pas de ma faute si je ne réussi qu’à tondre correctement la pelouse et encore, pas toujours – il était l’heure pour moi de manger. Les placards étaient pour la plupart vide mais j’avais réussi à trouver une boite de conserve encore consommable. Du coup, je connaissais déjà mon programme de l’après-midi, aller faire des courses. Avant ça, j’avais été prendre une douche rapide pour enlever la fine pellicule de sueurs qui s’était gentiment invité pendant mon jardinage et aussi les brins d’herbes et les autres déchets végétaux ayant élus domicile dans ma chevelure. Une fois présentable, j’avais pris la direction du supermarché.

Dans mon Caddie®, ne se trouvait que des choses très saines ou pas en fait vu la quantité de sucrerie que j’avais prise mais bon, en plus d’être une piètre jardinière, j’étais aussi une piètre cuisinière. Enfin non, disons que je ne prenais pas le temps de faire la cuisine donc c’était toujours des plats tout prêt ou des paquets de gâteaux qui trônaient dans mon Caddie®. Parfois, j’achetais quand même des légumes et des fruits frais mais pas assez.
Je quittais une allée du supermarché quand des articles tombèrent à mes pieds. Décidément, mes pieds attirent tout un tas de choses mais au moins, là, mes chaussures n’étaient pas trempées par une quelconque substance, c’était déjà ça. Une jeune fille se pencha immédiatement pour ramasser les affaires qu’elle avait surement fait tomber vue son comportement en bredouillant des excuses. Quand nos regards se croisèrent, je reconnaissais la touriste que j’avais croisé une fois près du théâtre. Physionomiste moi ? Pas vraiment mais disons que cette jeune femme m’avait assez marquée pour que je la reconnaisse. J’allais lui répondre quand elle se mit à éclater en sanglot avant de vouloir prendre la fuite.
Je ne sais pourquoi, je ressentais le besoin de la retenir pour qu’elle m’explique son comportement. Elle avait l’air d’aller mal et je voulais comprendre pourquoi. « Hey, ça va ? Ce n’est pas la peine de vous mettre dans cet état pour des céréales. Après tout, vu l’état dans lequel ils finissent dans notre estomac, ils peuvent bien tomber de temps en temps, ça ne sera jamais pire. » Je souriais à la jeune femme. En général, l’humour aidait les gens à sourire et j’espérais avoir réussi à faire naitre un sourire sur ce visage larmoyant.

Faire les courses n’est jamais ce que je préfère faire. Entre les enfants qui braillent parce que maman refuse de leur acheter le jouet qu’ils veulent et les vieux qui, au choix, te demandent de leur attraper un article en hauteur alors que toi aussi tu galères ou te foutent leur caddie® au mieux dans les fesses, au pire dans le tendon d’Achille, je préfère largement rester chez moi. Cependant, mes placards étant désespérément vides, je n’avais pas vraiment le choix. Et puis aujourd’hui, le supermarché était relativement calme, ce qui faisait un peu de bien.
Les paquets de céréales tombant à mes pieds étaient une nouveauté pour moi mais habituellement, c’était moi qui faisais tomber des choses et pas quelqu’un d’autre. Une jeune femme blonde en l’occurrence, se baissa pour ramasser les paquets qu’elle avait fait tomber avant de fondre en larme. J’avais reconnu visage de cette touriste que j’avais vu trainer près du théâtre et immédiatement, j’engageais la conversation, jouant même la carte de l’humour pour dédramatiser la situation. J’écoutais sa réponse et hocha la tête pour lui signifier que je comprenais ce qu’elle voulait dire. « Je comprends ce que vous voulez dire mais ce n’est pas la peine de se mettre dans cet état. Dans ces cas-là, le mieux est de faire sortir cette pression. » Je ne savais pas si elle comprenait ce que je voulais dire mais je le saurais bientôt.
Quelques temps après, la jeune femme me demanda si on s’était déjà rencontré en précisant qu’elle avait une mauvaise mémoire des visages. Une nouvelle fois, je hochais la tête avant de lui répondre oralement. « Oui, il y a quelques jours. Vous étiez près du théâtre, vous sembliez hésiter à rentrer dedans et quand je vous ai demandé si vous vouliez un renseignement, vous avez répondu que non. » Je ne précisais pas qu’elle avait pris la fuite presque immédiatement après. De toute façon, chacun était libre de faire ce qu’il voulait. Je continuais de sourire à la jeune femme. Même si ses larmes s’étaient taries, je voyais bien qu’elle avait besoin d’aide et comme je n’avais rien de mieux à faire, je me proposais une nouvelle fois de l’aider. « Vous êtes sure que ça va ? Si vous avez besoin de parler, je suis disponible, même si on ne se connait pas. »

• La femme semblait bien amicale. Bien que je sois d'une nature avenante, je ne pense pas que j'aurais pris la peine de m'occuper ainsi des affaires d'une inconnue. Je dessina un sourire timide avant de répondre sur un léger ton ironique.
  
  -Et vous n'avez pas de baguette magique pour faire sortir la pression? Je cherche un moyen, mais je ne trouve pas-
  
  Tu ne trouves pas, c'est peut-être que tu as déjà trouvé ce moyen. Retourner en Italie, te rendre si tu es réellement recherchée, et essayer de te racheter auprès de ta famille. Quelle hypocrite je fais, j'arrive à me mentir à moi-même...
  Lorsque la femme me décrit notre rencontre, ça me paru soudain évident. Mais bien sûr, je me souviens. Décidément, cette gentille brune est quelqu'un de très serviable...ou de « je foure mon nez partout ». Lorsqu'elle continua en affirmant que je pouvais me confier à elle, je souris de nouveau en baissant les yeux. Si seulement elle savait...Non je ne peux pas me confier à toi, et pourtant vider ce que j'ai sur le cœur me ferait tellement du bien.
  
  -J'ai, le mal du pays, je ne connais pas grand monde ici et je crois que je suis un peu mélancolique ces temps-ci.-
  
  Un peu !? Un peu beaucoup oui ! Et ce n'est pas que de la mélancolie, si seulement c'était ça. Le pire ce sont les remords. J'aurais du faire quelque chose pour les empêcher, je savais que c'était la fois de trop, je l'avais pressenti ! Je releva ma tête avant de pousser mon chariot jusqu'aux caisses.
  
  - J'ai un peu de temps devant moi, on pourrait boire quelque chose ? Ca fera une excuse pour vous avoir importunée.-

La jeune femme devant moi semblait encore plus perdue que lors de notre première rencontre et j’avais ressenti le besoin de l’aider un peu. Elle qui se disait sous pression je lui conseillais de faire sortir cette pression et de ne pas la garder en elle. Quand elle me demanda si je n’avais pas une baguette magique pour la faire sortir, j’éclatai de rire avant de lui répondre. « Désolée, je l’ai oublié chez moi mais ne le répétez pas, personne ne sait que je suis une fée. » Je fis un clin d’œil à la jeune femme avant de lui répondre plus sérieusement. « Honnêtement, les moyens sont différents pour chaque personne. Certains courent, d’autres font de la boxe ou d’autres encore hurlent. C’est à vous de découvrir ce qui vous permettra d’évacuer le stress car vous êtes la seule à vous connaitre. »
Dans le passé, et même aujourd’hui, j’entendais souvent des gens dire qu’il n’y avait qu’une seule façon de déstresser hors, il existe autant de façon que d’individu et ce qui est bon pour l’un ne l’est pas forcément pour d’autres. Néanmoins, j’avais donné des pistes à la jeune femme, c’était maintenant à elle de découvrir ce qui lui conviendrait le mieux. Enfin déjà, elle acceptait de se confier légèrement, ce qui pouvait être un bon début. « Cela ne doit pas être facile. Je ne connais pas cette situation, je suis d’ici donc je connais du monde mais je suis sure qu’avec le temps, vous vous ferez des amis. » Je disais vrai, le mal du pays, je ne connaissais pas vraiment. Il m’était arrivé de partir de Leeds mais c’était pour aller en vacances chez mes grands parents en France ou au Etats-Unis et en général, j’y retrouvais des cousins ou alors, mes grands parents me trouvaient toujours des voisins avec qui jouer.
Quand la jeune femme me dit qu’elle avait du temps devant elle et qu’on pourrait boire quelque chose, je décidais d’accepter, tant pis pour la fin mes courses. « Oui je veux bien, il faut juste que je passe à la caisse. » Je me dirigeais donc vers les caisses en me disant que pour ce soir, je n’aurais qu’à me faire livrer. Comme je le fais presque tous les soirs en fait.

• Ce qui me permettrait d'évacuer le stress ? Peut-être qu'en sachant que personne ne me recherche je pourrais évacuer ce stress ? Peut-être que si j'avais vécu une vie équilibrée comme tout les membres de ma famille, je ne m'effondrerais pas lamentablement devant une inconnue...j'étais pitoyable...En tout cas je sais pertinemment que je ne me sentirai pas mieux en courant, boxant et encore moins en retournant en Italie, bien que je sache que cette dernière solution soit, paradoxalement, le remède à long terme de mes maux.
  J'accompagnai la jeune femme à la caisse et paya par la même occasion les quelques articles que j'avais mis dans mon chariot. Qu'est ce que je faisais ? Je demandais à une inconnue un peu trop curieuse de venir boire un verre avec moi. Ces derniers temps j'avais plutôt tendance à creuser le trou qui me servirai de tombe. Fragile, naïve, irréfléchi c'était elle la Vittoria qui était censée remplacer l'ancienne. Pourquoi l'ancienne avait-elle besoin d'une remplaçante ? La nouvelle était inefficace alors que l'ancienne m'avait sortis des pires ennuis.
  Je repris mes esprits et m'adressa à la jeune femme.
  
  -Au fait, moi c'est Rosanna, je ne me souviens plus si je m'étais présentée la première fois où nous nous sommes vues. En tout cas vous avez l'air d'avoir une bonne mémoire ça doit vous être utile!-
  
  Ca m’arrangerait de me souvenirs de toutes les personnes que je rencontre par hasard dans la rue, de me souvenir du lieu et de ce qu'elles faisaient. C'est d'ailleurs un peu étonnant d'être aussi observateur et aussi serviable, non ?