Une semaine s'était écoulée depuis ce fameux coup de fil. Une semaine infernale. Je m'attendais à un moment ou un autre qu'on m'appelle une seconde fois, qu'il appelle une seconde fois. Qu'il me dise qu'on m'avait localisée, qu'ils allaient venir me chercher. Je ne voulais pas quitter cette prison dorée qu'était Leeds, pour une véritable prison à Florence.
D'un autre coté s'ils finissaient par m'avoir ça serait la fin de cette angoisse, la fin de cette course poursuite, un nouveau départ, mes pêchés seraient lavés. Non ! Je ne peux me résoudre à abandonner maintenant, si il aurait fallu se rendre c'était il y a un an, maintenant c'est trop tard.

J'étais assise sur mon lit, j'avais aligné mes valises devant la porte. Ma décision était prise. Je ne peux pas tirer un trait sur mon passé, je ne peux pas oublier mon histoire et m'inventer une nouvelle vie, une nouvelle moi, j'ai essayé, mais c'est impossible. Il faut que je m'assume, que j'assume ma criminalité. Je suis une criminelle et je pense qu'il est trop tard pour changer ma vraie nature. Certes, j'avais de beaux rêves, mais ils ne sont pas réalisables, ils ne le seront jamais. Jamais je ne serai comédienne, jamais je ne fonderai une famille, jamais je saurai aimé quelqu'un...

J'embarquai mes valises dans ma voiture et me mis en route. La direction n'importait peu, il fallait que je roule sans m’arrêter, que je fuis, comme toujours et comme à chaque fois une solution me viendrait à l'esprit au volant.

Je roulais depuis à peine un quart d'heure que mon portable sonna. Mon sang ne fit qu'un tour, je savais déjà qui était au bout du fil. Une seule personne m'avait téléphoné en un an, mon frère...Pourquoi s'obstinait-il ? Je ne reviendrai pas ! Qu'il m'oublie, il n'a plus de sœur, depuis bien longtemps...
Les yeux embués de larmes, je me pencha sur le siège passager pour attraper le téléphone dans le but de le jeter par la fenêtre et de faire taire cette incessante sonnerie. De faire taire la dernière chose qui me rappelait et me rattachait à une vie honnête.
Je ne sais pas ce qui s'est passé, en me penchant, j'ai du tourner malencontreusement mon volant...La voiture quitta la route à toute vitesse et dévala une légère pente pour finir sa course dans un arbre. Puis le trou noir... C'est un mal de tête qui me réveilla. Combien de temps s'était écoulé ? Quelques secondes ? Quelques minutes ? Quelques heures ? Du sang coulait sur mes tempes et prenait sans doute sa source du haut de mon crane, d'où la douleur provenait. Je vis qu'une épaisse fumée noire sortait du capot de la voiture. Je me mis à hurler si fort que je cru que mes poumons allaient exploser. Mes cris se mélangeaient a des sanglots d'angoisse qui manquèrent de m'étouffer. Il faut que je me reprenne, il faut que je sorte.
Dans la panique je tentai de détacher ma ceinture de sécurité mais elle s'était bloquée, je poussa un cris de rage.La fumée laissa place aux flammes qui grandissaient devant mes yeux, m'éblouissant, me narguant. C'était donc ça mon destin ? Je devais mourir dans ce brasier parce que je refusais d'affronter la justice. Non !! NON ce n'est pas juste, ce n'est pas comme ça que je dois partir, pas de cette manière...

Alors que la panique semblait avoir pris le dessus sur tout,  quelqu'un intervint, tenta de me  détacher et réussi à m'extirper hors de mon véhicule. J'étais complètement déboussolée, je l'entendis articuler une phrase mais elle m'était complètement inintelligible. Ma tête me faisait mal et ma gorge me brûlait affreusement, cette dernière chose était sans nul doute dû aux cris de harpie que j'avais émis après l'accident.
Je commençais à peine à reprendre mes esprits lorsque j'entendis un bruit sourd, puis mon sauveur fut littéralement propulsé sur moi. J'eus à peine quelques seconde de lucidité lorsque mon regard croisa le sien, il m'était familier. Oui ! L’italien du café! Alexander ! Quelques images de notre rencontre d'il y a une semaine me revint à l'esprit et eu un léger effet apaisant, jusqu'à ce que je me souvienne que c'était ce jour-là que mon frère avait appelé, en pleine conversation je m'étais éclipsée. Soudain, mon court moment de lucidité laissa place de nouveau à l'hystérie. J'avais toutes mes affaires dans ma voiture, et elles avaient été détruites ! Je n'avais plus rien. Je poussa l'homme avec une force que je ne m'étais pas imaginée, une force due à la rage, et me releva aillant l'espoir irrationnel de peut-être retrouver quelque chose dans la carcasse de ma voiture.
Vision apocalyptique, il ne restait plus qu'une épave, rien n'aurait pu être récupéré, tout avait brûlé. Je laissa échapper un cris de rage avant de m'effondrer à genoux dans le champs.

-J'ai plus rien ! PLUS RIEN !! Tout a brûlé ! Tout était dans la voiture...- Je me tourna vers le brun avant de lui lacher – T'aurais dû me laisser dedans!!-

Inutile de vous dire que je ne pense pas un seul des mots que je dis. Si je ne tenais pas à la vie, je ne me serais pas donner toute cette peine, durant un an, pour vivre libre. Je suis soulagée de ne pas être un des morceaux autour de la carcasse de mon véhicule, de surcroît, j'ai même la chance de n'être quasiment pas blessée. Juste de la « carrosserie », mon crane ne cesse de saigner, mais le crane ça saigne toujours beaucoup, j'ai juste mal à la tête... Ah et maintenant que j'y prête attention j'ai aussi un peu mal au bras, mais rien de grave, je ne pense pas que ça soit cassé. Je tenta de reprendre mes esprits tant bien que mal, de recouvrer un peu de lucidité et d'étouffer mes sanglots.

« je ne suis peut être pas une personne très futé, mais j'observe énormément ». Je crois qu ' « énormément » n'est pas le mot le plus approprié au sens aiguë d'observation que possédait l'homme. Il avait tout retenu ! Le moindre détail, la moindre chose anormale...Si nous avions eu un homme comme ça avec nous à Florence, nous ne nous serions sûrement pas fait prendre, il aurait sans doute découvert le coup foireux qui nous attendait...

Lorsque Alexander affirma qu'il ne m’amènerait pas à l'hopital je fus grandement soulagée, mais lorsqu'il ajouta que chez lui j'y rencontrerai sua madre, je ne pu empêcher les muscles de mon corps de se tendre. Je voulais voir le moins de monde possible...dans cet état...et pourquoi un homme de son âge vivait-il encore avec sa mère ? M'enfin, Alexander ne me laissa pas vraiment le choix, il me porta jusqu'à son véhicule et je n'eus ni la force ni l'envie de protester. Quoi qu'il arrive j'étais acculée, qu'est ce que j'aurais pu faire face à cet homme si il m'était vraiment hostile comme je l'avais imaginé quelques secondes auparavant ? Rien ! Je ne peux plus fuir comme à mon habitude...Autant me laisser faire et voir ce qu'il en adviendra.

Quelle fut ma surprise lorsque je m'aperçus que le véhicule de l'homme était une Rolls Royce. L'une de ces marques de voitures au prix complètement inabordable pour le commun des mortels. Je dois d'ailleurs avouer que je n'en avais jamais vues en vrai, et jamais je n'aurais cru un jour pouvoir monter dedans en toute légalité.
Je passa tout le trajet, aussi court soit-il, la tête appuyée contre la fenêtre fixant les paysages qui défilaient. Le mal de tête persistait mais j'avais finis par m'y accoutumer.
Ce ne fut que lorsque la voiture s'arrêta que je rompis le silence qui s'était installé depuis le début de notre retour à Leeds.

- Pourquoi êtes-vous toujours aussi courtois et discret ? Vous auriez parfaitement, lors de notre première rencontre, pu m'étouffer de questions, mais par politesse vous m'avez laissez partir. Et aujourd'hui...Aujourd'hui, vous auriez pu passer votre chemin, ou après m'avoir aidée...sauvée...vous auriez pu appeler une ambulance et partir. Votre travail de citoyen modèle était terminé. Et pourtant vous persistez, vous restez noble et tellement discret...Ca en est déroutant-


"Déroutant", c'était le mot le plus approprié à ma situation, et j'étais ravie d'avoir pu l'utiliser dans la langue de Shakespeare. Bien que ma façon de parler gardait la mélodie de la langue italienne, je trouvais que mon accent s'était nettement amélioré...un des seuls avantages de mon escapade forcée au Royaume Unis.

Un écrivain ! Un homme qui vivait ses passions, ses aventures, sa vie à travers celles des autres...Comme c'était triste...Ou peut-être au contraire était-ce la seule manière d'être heureux ? Il pouvait vivre tout ce qu'il voulait sans jamais être vraiment touché des désastres que de telles vies pourraient apporter.
Cette nouvelle me rassura et m'effraya par la même occasion. Alexander n'était donc pas un de ces policiers infiltrés, mais il m'avait quasiment invité à lui servir de cobaye. Si j'avais écouté mon premier réflexe, je lui aurais affirmé que je n'étais pas une personne solitaire et que ma vie était des plus assommantes possibles. Mais je ne l'aurais sans doute pas dupé avec ce genre de mensonges. Un enfant de cinq ans n'y croirait pas. Je me contenta donc de ne pas répondre tout de suite, essayant de digérer les informations que l'écrivain m'avait fournises.
Lorsque l'Italien m'offrit son toit je laissai un sourire au coin se dessiner. C'était bien aimable et presque agréable de savoir qu'on avait un endroit où poser son encre.

-C'est extrêmement généraux de votre part. Malgré tout, je ne pense pas que je vais trop user de votre hospitalité. Je n'ai jamais su garder longtemps un point d'attache, et une présence comme la mienne perturberait votre érudition.-

La voiture avait ralenti, j'en déduisis que notre voyage s'arrêtait là. Je rabattis une de mes mèches rebelles en arrière et lorsqu'Alexander sortis de la voiture, je pris une profonde inspiration, me préparant mentalement à être confronté, sans doute, au regard soit effrayé soit désapprobateur de la mère de l'Italien, en me voyant arriver ainsi chez eux.