Que dire sur mon enfance ? Elle n’est pas spécialement intéressante. Je suis née à Los Angeles, il y a 21 ans de ça. Première de la famille. Une fille, pour le plus grand bonheur de mon papa. Mon petit frère est arrivé 3 ans après, pour faire une nouvelle fois le bonheur de mon papa. J’ai eu une enfance normale, comme toute petite fille je jouais à la poupée, j’allais à l’école, j’avais un amoureux que je larguais au moins 5 fois par semaine, mon frère me saoulait parce que c’était un garçon et qu’il préférait jouer au foot plutôt qu’à la Barbie, et mon papa était pour moi le plus beau de toute la terre, et je voulais qu’il se marie avec moi plus tard. Bref, une enfance normale. Mes parents ont divorcés alors que je n’étais âgée que de 12 ans. On est rentré de l’école un jour avec mon frère et il n’était plus là. « Il ne veut plus avoir affaire à nous » que maman nous disais. Voilà, j’avais 12 ans et je venais de me faire abandonner par mon père. Une enfance normale.
L’adolescence. Au début ça allait, j’étais une gentille fifille, qui allait à l’école sérieusement, qui ramenait des bonnes notes, qui ne sortait pas. J’avais quelques amis, mais j’étais considérée comme « l’intello » de la classe. Vous savez comment sont exclus les gens dis « intello ». Les populaires refusent de trainer avec eux. Du coup, on traine entre « intellos ». Ce n’était pas le rêve, mais ils étaient sympa, je n’avais pas à me plaindre. Bien sûr comme chaque jeune fille, je rêvais de faire partit de l’élite de mon collège, d’avoir tout les garçons à mes pieds et de rendre jalouse toute les filles. Mais non, je faisais partit de la catégorie des bizarres, qu’il fallait par dessus tout éviter.
A la maison, maman s’était trouvé un nouveau mec, quelques mois après le départ de mon père. Il n’était pas méchant, il était même plutôt gentil. N’ayant jamais eu d’enfant, il avait un peu de mal avec nous, mais il ne s’en sortait pas trop mal. Ma mère n’a jamais été affectueuse envers nous. Donc les câlins, les bisous, ou encore les « je t’aime » on pouvait s’asseoir dessus. Bah, on s’y fait au bout d’un moment. Mon père ? Depuis qu’il était partit, je n’avais aucune nouvelle. Enfin à part si de vulgaires cartes pour les anniversaires est considérées comme avoir des nouvelles, alors oui j’en avais. En plus de l’école, je faisais de la danse. Classique. C’était mon rêve de petite fille, devenir un petit rat de ballet ! Et en toute modestie, je me débrouillais plutôt bien au niveau de la danse. Enfaite je voulais surtout que ma mère soit fière de moi, pour autre chose que mes résultats scolaires (elle n’est pas particulièrement fière d’ailleurs, elle trouvait ça « normal »). Bref, le début de mon adolescence, tout comme mon enfance c’était pas la chose la plus fun de ma vie. Jusqu’au retour de mon père dans ma vie.
J’avais 16 quand, un week-end, alors qu’on jouait aux jeux vidéo avec mon frère, mon père s’est pointé à notre appartement. Ma mère et son compagnon étaient partis faire des courses. Le choc en le voyant. 4 ans sans voir son père, je peux vous dire que c’est long. On était mal à l’aise, on ne savait pas quoi se dire. « J’aimerais que vous veniez habiter avec moi. J’aimerais me rattraper de ses 4 ans d’absences. » Bam, il lance ça comme ça, entre deux madeleines. « Je suis en France maintenant. » Bim, deuxième bombe. Quittez les Etats-Unis pour aller chez les français ? Pourquoi pas après tout. Ici, je n’avais rien de particulier à perdre. Pas de petits copains. J’avais des amis, mais justement, si c’est vraiment des amis, la distance ne changera rien non ? Ma mère allait me manquer, pour sûr. Mais je pourrais revenir pendant les vacances. Puis, après tout, c’est mon père. Et sans vraiment y réfléchir, j’ai acceptée. Je craignais la réaction de ma mère, mais finalement elle le prit plutôt bien. « Finalement ce n’est peut-être pas plus mal. Comme ça j’aurais du temps pour moi et je pourrais voyager. » Ah, bon. Et voilà comme j’ai atterris en France. Dans un petit patelin pommé dans la campagne. Avec pleins de champs. Finalement, ça n’allait peut-être pas être si fun que ça.
Et effectivement, le début ne fut pas fun, mais alors pas du tout. Déjà, très vite il y eu le problème de la langue. J’avais fait du français à l’école, mais pas assez pour tenir une conversation convenable avec quelqu’un. Donc je vous laisse imaginer comment j’étais en grande difficulté au lycée. En plus, leur système n’étant pas comme le notre, j’étais complétement paumé. Mais au fur et a mesure, je maitrisais de mieux en mieux le français, je m’intégrais beaucoup mieux qu’aux Etats-Unis. (Faut dire que tout le monde me trouvait « stylé » vu que je venais de Los Angeles. C’est dingue comment les français rêvent des Etats-Unis.) A la maison, ça allait plutôt bien, mon père faisait tout pour qu’on se sente bien : il nous achetait tout ce qu’on voulait, on avait chacun notre chambre, et on pouvait clairement faire ce qu’on voulait. Ca changeait de chez ma mère ! Lui aussi s’était trouvé quelqu’un d’autre. Au début, avec elle, ce n’était pas évident, mon frère lui faisait vivre un vrai enfer. Moi je l’aimais bien, elle était gentille et la situation ne devait pas être évidente pour elle. Elle avait deux enfants, plus âgés que nous. Axel et Nolwenn. Je me suis tout de suite bien entendu avec eux. Bref, tout allait pour le mieux.
Jusqu’à cette fameuse rencontre, cette rencontre qui a changé ma vie, et qui m’a fait basculé. Débauche. Drogue. Alcool. Corentin.
J’ai rencontré Corentin à une soirée. C’était un pote d’Axel. Le coup de foudre en le voyant. Il me plaisait, je lui plaisais. On s’est tourné autour pendant pas mal de temps. On s’est mit ensemble, deux mois après notre rencontre. Il m’a fait découvrir la vie. C’était un bad boy, il se droguait, avait finis je ne sais combien de fois au poste, buvait comme un trou, avait arrêté l’école... Bref. Ce n’était pas une bonne fréquentation, mais moi, j’étais raide dingue de lui. Il m’a fait découvrir son monde. J’ai commencé à me droguer avec lui, on passait la plupart de notre temps à se droguer, ou à boire. Mes notes à l’école étaient en chute libre, je n’étais quasiment plus chez moi, je devenais vulgaire, voire violente … J’avais totalement changé de comportement. J’étais devenue une petite petasse arrogante, une vraie peste. Mon père lui, ne se doutait de rien. En tout cas si il le savait, il cachait bien son jeu. Axel était comme nous, mon frère trouvait ça cool et finit par nous rejoindre plus tard. Nolwenn trainait de moins en mois avec nous, elle passait la plupart de son temps avec son copain. Bref, tout ça dura 2 ans. Jusqu’au jour où Corentin finit à l’hôpital. Overdose. C’était la pilule de trop. Hôpital, puis désintox. C’était pas jolie jolie comme époque. Mais moi, je m’en foutais, tant que j’étais encore avec Corentin. C’est tout ce qui m’importait. Cependant, ma mère n’était pas du même avis. Ayant été mise au courant par mon père, folle de rage, elle m’obligea à revenir chez elle, et hésita fortement à coller un procés à mon père, pour son manque d’attention envers moi, et à Corentin, pour avoir fait de moi un déchet humain. Un déchet, c’était ce que j’étais. Je ne faisais plus rien. Si ce n’est me lever, me caler devant la télé, pleurer, manger, pleurer de nouveau, et faire quelque crise de manque puis aller me coucher. Je n’avais plus envie de rien, mis à part voir Corentin. Bref, pendant plusieurs mois, c’est comme si je n’existais plus.
Jusqu’à ce que ma mère m’annonce qu’elle était enceinte, et qu’on déménageait à Leeds, une petite ville en Angleterre. C’était l’occasion pour moi d’avoir une nouvelle vie, et de tout recommencer à zéro. Faire de nouvelle rencontre, oublier Corentin, reprendre mes études ! Voilà une semaine maintenant que nous sommes arrivés à Leeds, et pour l’instant, je me sens bien. J’ai supprimé tout ce qui avait un rapport avec Corentin, avec la France, pour ne pas craquer de nouveau. Je skype de temps en temps avec mon père, mais je n’ai plus de nouvelles d’Axel, de Nolwenn ou de mes autres amis. Ce n’est peut-être pas plus mal au final. Je vais commencer des études en communication, je ne fais plus de crise, et je vais bientôt être grande sœur d’une adorable petite fille. Tout va pour le mieux, et j’espère que ça va durer.